“Une sortie réussie, ce n’est pas une sortie où on fait une belle photo, mais une sortie où on n’a pas dérangé. Après si on fait de belles photos, tant mieux”.
Phillipe Moës, photographe naturaliste
Malgré toutes les précautions possibles et imaginables, la pratique de la photographie naturaliste engendre trop souvent une forme de dérangement pour les espèces observées. Le bruit fait en progressant sur le lit forestier, l’odeur portée par le vent, une parole à haute voix ou encore une rencontre impromptue au détour d’un bosquet entraînant la fuite du lièvre ou du chevreuil sont quelques exemples de nuisances humaines souvent non-intentionnelles causées à la faune sauvage.
Afin de m’adonner à la photographie naturaliste dans le respect des animaux, j’essaie de me plier à une “charte éthique” qui repose sur quatre piliers fondamentaux dans toutes mes activités naturalistes afin de – je l’espère-, troubler le moins possible la quiétude de la nature.
Une bonne connaissance des espèces peuplant les milieux visités est à mon sens le préambule indispensable pour pratique la photographie naturaliste. Si sa propre expérience du terrain et les erreurs commises lors des sorties sont une riche source d’apprentissage, une bonne préparation en amont est nécessaire afin de les minimiser.
Les discussions avec les naturalistes avertis de sa région sont une excellente façon de d’enrichir ses connaissances. La lecture de quelques ouvrages de références permet d’apprendre beaucoup sur les moeurs et habitudes des animaux sauvages. Voici les sources auxquelles je me réfère le plus fréquemment:
Il n’y a qu’en terrain connu que l’on peut réaliser de belles images dans de bonnes conditions pour la faune… et le photographe. Une connaissance approfondie de la nature de sa région est donc nécessaire au photographe naturaliste. La première étape consiste a repérer les endroits fréquentés par la faune sauvage en se baladant mais également en se renseignant auprès des habitués des lieux. Forestiers, bucherons, champignoneurs, randonneurs et autres gardes-faunes distillent volontiers de précieux conseils permettant d’étoffer sa collection de “spots” photographiques.
Une fois les spots potentiels repérés, il faut étudier leur disposition afin de pouvoir déterminer s’ils se prête vraiment à la prise de vue: Où sortent les animaux? Où se placer pour n’être ni vu ni senti? Où sera le soleil au moment des prises de vues? Par où pourrais-je m’éclipser discrètement en fin d’affût? Toutes ces questions doivent habiter le photographe lorsqu’il évalue un spot potentiel.
Le photographe naturaliste cherche a être le témoin d’une scène à laquelle il n’a pas été convié. Il doit donc faire preuve d’une discrétion totale s’il veut immortaliser les moments privilégiés offerts par dame nature. Sur le terrain, l’affût constitue la meilleure technique pour observer et photographier sans risquer de déranger, mais l’approche (ou “billebaude”) peut également être pratiquée pour certaines espèces moins farouches moyennant quelques précautions d’usage.
Pour prendre une métaphore théâtrale, un affût s’installe bien avant que les acteurs n’entrent un scène et se démonte qu’une fois la salle entièrement vide. Son placement est hautement stratégique: dans le vent, les odeurs humaines se dépendront sur le spot et réduiront à néant les chances de réussir une image. Mal camouflé, il sera immédiatement repéré par la plupart des espèces qui passeront leur chemin. Enfin il faut veiller à garder le plus grand silence afin de ne pas mettre la puce à l’oreille aux animaux, certains préférant fuir au moindre bruit inhabituel.
L’approche est une technique de prise de vue permettant de maximiser les chances de rencontre. Malheureusement, une approche mal conduite entraînera la fuite irrémédiable de l’animal au moindre faux pas.
Cette technique suppose de bien connaître les espèces et leur tolérance à la présence humaine (distance de fuite). Un camouflage “cassant” la forme humaine et un placement judicieux face au vent permet ainsi d’approcher un chevreuil occupé à brouter à une vingtaine de mètres sans grande difficultés alors que le sanglier aura fui bien avant que vous n’ayez soupçonné sa présence grâce à son odorat et son ouïe redoutables…
Si elle est acceptable à la bonne saison et permet parfois de rapporter de jolis clichés, l’approche est à proscrire durant les mois d’hiver afin de ne pas provoquer la fuite de l’animal observé. En effet durant la saison froide, les animaux sauvages doivent préserver leur capital énergétique afin de survivre jusqu’au printemps et une fuite éperdue face à un photographe mal avisé risque de condamner le malheureux. Ainsi si vous deviez croiser un chevreuil en plein hiver dans la neige, privilégiez un cadrage large l’intégrant dans le paysage et passez votre route sans le déranger plutôt que de tenter le gros plan et risquer de le condamner à mort…
Le respect est le dernier des quatre pilier de l’éthique en photographie naturaliste, et c’est sans doute celui qui conditionne tous les autres. Le respect de la nature, de l’animal et de son environnement doit primer sur le confort du photographe ou sur l’image.
Pour garantir de belles images avec une proximité choisie ou des attitudes intéressantes, certains photographes animaliers recourent à des astuces comme le nourrissage. Si la technique est souvent utilisée, très peu de photographes avoueront placer des croquettes pour chien sur des souches pour y attirer des renardeaux, où des morceaux de viande dans la neige pour faire venir des buses. La tentation de recourir à ces artifices est parfois présente, notamment lors des longues périodes de disettes sans clichés. A mon sens, le nourrissage est une forme d’interaction néfaste entre l’humain avide d’image et l’animal sauvage, c’est pourquoi toutes les images publiées sur ce site sont exemptes de nourrissage, et tant pis si elles ne sont pas digne des concours.
Comme mentionné précédemment, toute présence humaine est un facteur de stress pour les animaux sauvages. La discrétion est ainsi de mise concernant les spots photographiques afin d’éviter qu’une nuée de curieux ou de chasseurs ne s’y rendent, ce qui constituerait une menace pour l’espèce le peuplant.
Ce devoir de discrétion est poussé plus loin pour les espèces très sensibles comme le grand tétras ou le cerf jurassien. Ainsi je m’interdis de partir à la recherche du coq de bruyère dans les forêts de ma région où il subsisterait encore un ou deux coqs, le risque de dérangement étant à mon sens non-tolérable pour cette espèce menacée d’extinction.
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