Le gypaète barbu et l’aigle royal sont les deux plus grands oiseaux de Suisse. Bien que ces deux rapaces vivent principalement dans les alpes, il semblerait que quelques aigles royaux aient élus domicile le long de la chaîne du Jura (et survolerait même occasionnellement le Val-de-Travers). Les observations du gypaète barbu hors des alpes sont en revanche beaucoup plus anecdotiques.

J’ai eu plusieurs fois le plaisir d’apercevoir les silhouettes gracieuses du gypaète et de l’aigle à travers mes jumelles lors de randonnées dans les alpes, mais jamais de les photographier dans de bonnes conditions. C’était donc plein d’espoir que j’ai rejoint un point d’observation bien connu des ornithologues dans les alpes valaisannes un matin de février. Malgré le froid glacial (-20 degrés au thermomètre plus la bise), j’ai vite été rejoint par quelques photographes passionnés qui voulaient aussi profiter de la seule belle journée de la semaine pour espérer voir le roi des alpes. Nous patientons en échangeant quelques anecdotes entre deux gorgées de thé chaud. Trois accenteurs alpins et une dizaine de chocards à becs jaunes tournoient autour de nous et permettent de faire quelques premières images sympathiques.

Le gypaète fait une première apparition fugace. Il longe la montagne bien en-dessous de notre position. Son passage n’aura duré qu’une trentaine de seconde et ne m’aura pas permis de faire d’images. Tant pis, ma journée est déjà largement réussie avec cette belle observation. Une demi-heure plus tard, c’est un magnifique aigle royal qui fait une apparition remarquée. Profitant des courants ascendants offerts par la falaise, il plane majestueusement durant de longues minutes face à l’objectif, ce qui me permet de réaliser quelques images dont je n’aurais pas osé rêver. L’aigle s’éclipse et un calme de courte durée revient sur l’alpe…

Le gypaète observé un peu plus tôt refait un passage en contrebas. Cette fois-ci, il vire de bord pour profiter des courants thermiques et plane juste sous notre position. Les congères accumulées le long de la falaise ne permettent pas de s’approcher pour mieux le voir. Il faut donc patienter en espérant qu’il remontera face à nous.

Soudain, le miracle tant attendu survient. Un magnifique gypaète barbu mâle apparait à hauteur d’yeux à quelques dizaines de mètre seulement et survole la roche sombre de la falaise. Il faut rediriger l’objectif, réaliser la mise au point, corriger l’exposition et déclencher. La première image est floue, la seconde est bonne. Le gypaète poursuit son vol et tourne dans les courants thermiques. Le décor change avec les alpes enneigées derrière lui. C’est tout simplement magnifique. Il tournoie et montre lentement dans le ciel azur, sans donner un seul coup d’aile. Je réalise encore quelques images puis sort l’œil de l’objectif pour simplement admirer le spectacle offert par Dame Nature.

Val-de-Travers, le 25 mars 2018