Certains disent que les forêts du Val-de-Travers sont enchantées et peuplées de fées. Les rares qui en ont vu étaient sans doutes un peu éméchés après avoir bu trop de rasades anisées à l’une des fontaines froides clairsemées dans la vallée. Pour ma part, j’ai eu le plaisir de croiser le chemin d’un petit lutin, perché sur une branche basse d’un sapin voisin. Arrivé sans fifres ni tambours, il s’est posté là comme s’il voulait me souhaiter le bonjour.
Le chevreuil est un grand romantique qui apprécie les longues soirées d’été pour déclarer sa flemme à sa bien aimée. Avec Johann Boffetti, nous nous rendons chaque année sur leurs terres afin d’observer la cour du brocard à la chevrette. Installés en bordure d’un pâturage boisé, nous patientons (presque) en silence et espérons avoir choisi le bon endroit. Des pas légers sur le tapis forestier nous laissent espérer la venue d’un petit cervidé. Nous croisons les doigts pour que vent ne trahisse pas notre présence. Une fois le soleil éclipsé derrière un nuage, deux jeunes chevrillards décident de sortir du couvert forestier pour cueillir quelques herbes face à nous. Nous réalisons quelques images avant de nous immobiliser: les pas venus du bois se rapprochent de plus en plus. C’est finalement une magnifique chevrette qui fera gracieusement son apparition dans la pâture à quelques encablures de nos objectifs. Nous échangeons un regard heureux puis replongeons dans nos viseurs afin de ne rien manquer du spectacle.
Bien moins tragique que la comédie écrite par William Shakespeare en 1594, ces songes d’une nuit d’été revisités racontent en cinq actes la démarche naturaliste aboutissant à une belle rencontre estivale le lièvre brun sur les hauteurs du Val-de-Travers.